Les musées canadiens 1960s–1990s

Les années 60 pour les musées canadiens : 1960 – 1969

Les années 60 ont été des années grisantes pour l'Association des musées canadiens (AMC). C'est l'époque où des millions de dollars ont été alloués à la construction de nouveaux musées et à l'agrandissement de musées existants. Le gouvernement a soutenu nombre de projets historiques visant à célébrer le centenaire du Canada. Les publications de l'AMC regorgent d'annonces de projets du centenaire et de nouvelles offres d'emploi. L'afflux des dollars du centenaire a d'ailleurs créé des centaines d'emplois dans les musées - presque trop.

« Soudainement, nous manquions de talents », se souvient Donald Crowdis, membre fondateur de l'AMC. Des personnes ayant une certaine connaissance du secteur commercial ou une expérience dans la conception de vitrines de magasins ont été amenées à concevoir des expositions pour l'Expo '67 et ont, par la suite, travaillé dans les musées. L'arrivée de ces employés a créé un changement de philosophie imprévu, de poursuivre M. Crowdis, et les objets ont été relégués au second plan, l'accent étant mis sur leur présentation.

C'est au cours des années soixante que les emplois dans les musées ont commencé à être bien rémunérés, ce qui en a incité plus d'un à vouloir faire carrière en ce domaine, et a fait surgir le besoin essentiel d'offrir de la formation. Par ailleurs, les membres à titre individuel de l'AMC ont obtenu le droit de vote à la fin des années 1960, et ont amené l'AMC à mettre l'accent sur la nature profonde de la profession muséale. Les premiers examens menant à l'obtention d'un diplôme de l'Association des musées ont eu lieu simultanément au Canada et en Angleterre, en novembre 1963.

Les anniversaires offrent aussi un temps de réflexion et en 1967, l'AMC allait avoir 20 ans. Trois ans auparavant, en 1964, elle a mis sur pied un comité permanent du centenaire en lui confiant le mandat de recueillir 25 000 $ pour créer un secrétariat à Ottawa. Le secrétariat a ouvert ses portes en 1965, sur la rue Sparks, et Archie Key en était le directeur. Les membres ont par la suite vu l'AMC d'un autre œil - ils avaient dorénavant un budget, des employés rémunérés, de l'argent pour des projets et de l'espace pour installer une bibliothèque de référence.

Dans l'esprit du thème du centenaire, l'AMC avait aussi décidé de dresser son bilan et, de crainte de voir stagner l'enthousiasme des débuts, elle s'était fixé l'objectif de définir ce qu'elle devrait faire pour mieux servir les intérêts de ses membres en 1967. Le président de l'organisme, Loris S. Russell, qui avait laissé entendre qu'il était temps de proclamer sa foi envers l'association, écrivait alors :

« Il y a fort longtemps, je vivais sur une ferme et les jours de grands vents, j'aimais observer les têtes d'épis onduler à l'unisson au rythme du vent. Avec un peu d'imagination, le champ devenait un océan et moi, j'y naviguais, porté par les grandes vagues. Il est possible, en faisant une association du même genre, d'entrer dans une extase semblable et de se sentir soutenu par l'impression d'un grand mouvement. Quand j'étais petit garçon, j'étais toujours un peu triste chaque fois que je devais revenir à la réalité - et que je réalisais que la mer de blé qui m'entourait ne se déplaçait pas réellement, ni moi non plus. »

Vérifiez vos connaissances pour 1964 (PDF, en anglais seulement)


 

Les années 70 à l’AMC : 1970 - 1979

Si les années 60 ont amené les musées à réfléchir à la profession muséale, les années 70 les ont amenés à consolider la profession. La Politique nationale des musées a été adoptée en 1972. Elle assurait au secteur muséal une aide financière gouvernementale plus stable. Les premières subventions se sont élevées à plus de 9,4 millions $ — ce qui équivaut à environ 55 millions $ en 2017, si l'on tient compte de l'inflation. Ces revenus ont permis à l'AMC d'encourager davantage la création de programmes de formation de base dans les provinces, d'élaborer un programme de prix, de nommer des fellows de l'AMC et de poursuivre un dialogue national plus général dans les deux langues officielles. Par contre, les nouveaux fonds ont aussi permis au gouvernement d'exercer un plus grand contrôle et une plus grande influence.

Toujours sous le thème de la consolidation de la profession, la publication mensuelle de l'AMC, la Gazette, a commencé à dresser le profil muséologique des provinces. Chaque numéro décrivait ce qui se passait dans une province donnée, ce qui permettait aux membres d'ailleurs au Canada de se renseigner sur les activités de leurs collègues. Ces portraits provinciaux ont couvert le pays, d'un océan à l'autre - une preuve indéniable d'une plus grande activité et de l'essor des associations muséales provinciales. L'Île-du-Prince-Édouard, par exemple, a fait l'objet d'un numéro en 1973, l'année du centenaire de son entrée dans la confédération.

Au printemps de 1975, la Gazette s'intéressait à l'autre extrémité du pays et décrivait la situation de la Colombie-Britannique. Martin Segger, un conseiller au musée provincial de la Colombie-Britannique, écrivait que le secteur muséal de la province connaissait une croissance phénoménale. Ce n'était là qu'un indice d'une tendance beaucoup plus importante qui prévalait dans tout le pays : une croissance rapide du nombre, de la taille et des budgets des organismes de conservation du patrimoine. « Cette croissance découle en bonne partie de l'essor du nationalisme canadien et d'une plus grande sensibilisation à la valeur éducative des musées. La British Columbia Museums Association compte aujourd'hui trois fois plus de membres qu'il y a huit ans », écrivait-il à l'époque.

Au début des années 70, la formation était le principal programme administré par l'AMC, mais déjà les premiers signes de décentralisation se manifestaient. Les cours de formation de base étaient confiés aux associations provinciales, chaque fois que c'était possible. Les membres croyaient qu'à long terme, l'AMC deviendrait un organisme de liaison et de consultation qui superviserait la formation et inciterait les universités et les collèges à élaborer des programmes conférant des grades. Bien sûr, c'est exactement ce qui s'est produit avec le temps.

Tout au long de cette décennie, la Gazette a continué de se pencher sur le volet éducatif des musées et sur les partenariats éventuels entre les universités et les musées. Ainsi, en 1977, Louise Stevenson, membre de l'AMC, écrivait ce qui suit : « La plupart des musées d'histoire naturelle se distinguent du fait qu'ils possèdent des spécimens de très grande taille : peu de départements d'universités ont l'espace suffisant pour exposer un gorille géant, un éléphant, le squelette d'un dinosaure, [ou] une grosse baleine… Ce que nous avons à offrir c'est le spécimen du musée : l'unique, l'irremplaçable, le vrai. »


 

Les années 80 à l’AMC : 1980 – 1989

Les années 60 et 70 ont été marquées principalement par la prospérité des musées du Canada, mais une nouvelle ère est apparue avec les années 80 - celle des mesures d'austérité gouvernementale. En 1982-1983, pour diverses raisons, plus de la moitié des directeurs des principaux musées du Canada ont quitté leur poste. Un certain optimisme se répandait néanmoins dans le secteur - on croyait que les nouvelles figures apporteraient de nouvelles idées et généreraient un changement favorable - mais l'AMC devait aussi être la voix de la continuité à une époque où tout changeait rapidement.

Le magazine Muse est apparu en 1983, remplaçant la Gazette. Cette nouvelle publication nationale de l'AMC avait comme principale priorité de traiter de questions de fond et d'établir un dialogue au sein de la communauté muséale. Le magazine a commencé à publier une chronique régulière intitulée Conversation. Un des entretiens mémorables est celui du personnel de l'AMC avec Gérard Pelletier où il est question des particularités de la Politique muséale nationale et où le ministre commente le rapport Applebaum-Hébert. Une autre Conversation importante porte sur un entretien avec Flora MacDonald, alors ministre de la Culture du Canada.

À peu près à la même époque, l'AMC a consacré une plus grande partie de ses activités à la promotion et à la défense des intérêts de ses membres et est devenue, plus que jamais, le porte-parole du secteur à l'échelle du pays, faisant la promotion des musées et des professionnels des musées. En 1983, John McAvity, directeur général de l'AMC écrivait : « L'ère de croissance et d'expansion des deux dernières décennies est clairement révolue et aujourd'hui, nous faisons face à de nouvelles réalités - la diminution des subventions et des dons, la hausse des déficits des musées, les réductions de programmes et l'abandon ou le report de projets fort méritoires. Il est ironique que tout se passe sans qu'il y ait de réduction apparente de la masse de fidèles qui appuient les musées. »

Toutes ces compressions budgétaires ont été à l'origine d'un nouveau débat sur le marketing des musées. Plusieurs voyaient en cet outil une façon de considérer les consommateurs comme une source de financement plus que nécessaire, alors que d'autres y voyaient une connotation négative - associée à la manipulation, à l'exploitation et au mercantilisme pur et simple. Des numéros complets de Muse ont été consacrés à la question de savoir s'il était possible de conjuguer musées et marketing et, le cas échéant, comment y parvenir.

M. McAvity a également accordé une importance primordiale au rôle des communications à l'AMC. « Dans un pays aussi grand que le Canada et dans le contexte d'une profession aussi petite que la nôtre, il est essentiel de se doter d'un système de communications efficace qui raffermit les liens et nous permet d'échanger entre nous, dans le meilleur intérêt de notre communauté. »

Les numéros thématiques sont apparus au milieu des années 1980 et sont éventuellement devenus la norme. Ainsi, le numéro de Muse de l'été 1988 porte principalement sur le projet de loi C-54 : érotisme par opposition à pornographie. Plusieurs articles étudiaient cette question délicate et l'influence potentielle qu'elle pourrait avoir sur les musées et les galeries d'art du Canada. « Les débats suscités par le projet de loi C-54 ont eu tendance à diviser les gens en deux camps bien distincts, ceux qui appuyaient la censure et ceux qui s'y opposaient », écrivait Miriam Clavir, une conservatrice au UBC Museum of Anthropology. « Si le projet de loi avait été adopté, les musées et les galeries auraient dû afficher des mises en garde devant certaines œuvres d'art ou y ajouter des revêtements opaques et les artistes auraient dû observer des directives sur ce qu'il convient ou ne convient pas de créer. »


 

Les années 90 à l’AMC : 1990 – 1999

Les années 90 ont été celles d'un cycle continu de répression dans le paysage muséal canadien. L'AMC a dû faire face à des diminutions successives de son financement, à l'instar des musées eux-mêmes. Le Programme d'aide aux musées a été amputé de 38 % au cours de l'exercice 1995-1996 - atteignant alors son seuil le plus bas. Pour la première fois de leur histoire, les musées ont douloureusement pris conscience de leur statut d'entreprise et ont dû s'attaquer de toute urgence, comme jamais ils ne l'avaient fait auparavant, au dilemme classique qui oppose l'art et l'économie. Les membres de l'AMC ont utilisé leur magazine pour discuter de diverses solutions possibles, proposant que les musées deviennent des « parcs thématiques » ou des « temples du savoir ». La question qui se posait était de savoir si les musées devraient maintenir leur statut de producteurs du savoir ou s'ils étaient plutôt devenus simplement des diffuseurs du savoir, plus en harmonie avec la société de l'information.

Dans un contexte où le nombre de mises à pied a atteint des records, où les déficits étaient à la hausse et les expositions de moins en moins nombreuses et, où bien souvent, les musées devaient fermer leurs portes à tout jamais, l'AMC a commencé à offrir des programmes d'assurance groupe, des rabais de groupe sur les tarifs publicitaires, un catalogue de vente par correspondance, des séminaires professionnels et un programme de bourses. Par ailleurs, une nouvelle réalité est malheureusement apparue et il a fallu dispenser du paiement des droits annuels les membres qui avaient perdu leur emploi à cause des compressions budgétaires.

C'est aussi dans le courant des années 1990 que l'AMC a lancé la chronique « Interventions », dans laquelle elle informe ses membres des occasions d'intervenir publiquement sur des questions qui touchent les musées. « Nous voulons transmettre les bonnes et les mauvaises nouvelles, dès le moment où elles sont rendues publiques », a déclaré John McAvity.

En 1996, un important roulement de personnel à la direction des musées canadiens est venu rappeler le mouvement de 1982-1983. Le nombre de départs à des postes de haute direction a été beaucoup plus élevé que la normale. Il est vrai qu'il était alors bien difficile d'être directeur de musée. La tâche s'effectuait dans un contexte économique défavorable et il fallait consacrer la majorité des efforts au développement économique plutôt qu'aux nouveaux programmes, aux possibilités de recherche et aux nouvelles acquisitions.

L'AMC a pris les mesures nécessaires pour demeurer optimiste en ces temps d'austérité. En 1997, l'année de ses 50 ans, elle a conclu de nouvelles alliances stratégiques dans l'objectif de donner au secteur culturel une voix plus forte. Elle s'est jointe à l'Association canadienne des aquariums et des zoos (AZAC), à la Fédération canadienne des Amis de Musées (FCAM) et à l'Association canadienne des centres de sciences (ACCS). Elle a également conclu des partenariats administratifs avec ICOM-Canada et l'Organisation des directeurs des musées d'art canadiens (ODMAC).

Ces alliances ont permis à l'AMC de défendre plus vigoureusement les causes dans lesquelles elle s'engage. Elles lui ont donné l'occasion de s'exprimer de concert avec les organismes nationaux connexes et de faire face à la nouvelle économie mondiale. Considérées comme une façon de mobiliser les gens ayant des connaissances et de l'expertise spécialisées, ces alliances sont devenues un forum de réseautage, de partage d'information et de soutien par les pairs.

Les récentes alliances stratégiques conclues par l'AMC se sont reflétées dans toutes les activités de l'organisme - notamment dans les congrès conjoints et les publications communes - comme l'illustre la collaboration du magazine Muse de l'AMC avec le journal Musées de la Société des musées québécois.