Prix d’excellence de l’AMC

Expositions

Ce prix reconnaît les expositions temporaires, permanentes ou itinérantes qui favorisent de façon efficace et originale la sensibilisation du public.


Trois expositions primées ont en commun le thème de l’inclusion, même si, dans le cas de l’une d’elles, ce lien tient — littéralementٲ – par un fil.

Body Language: Reawakening Cultural Tattooing for the Northwest (La renaissance du tatouage culturel pour le Nord-Ouest), en Vancouver, à la galerie d’art du nord-ouest Bill Reid vise l’inclusion en présentant la culture autochtone traditionnelle dans une exposition créée par des conservateurs autochtones.

Fugitifs! , au Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ), à Québec, vise l’inclusion en demandant à des artistes noirs et autochtones de créer des portraits d’esclaves, eux-mêmes noirs ou autochtones.

Bien que le thème de l’inclusion soit moins évident dans Shadows, Strings and Other Things: The Enchanting Theatre of Puppets (Ombres, fils et autres choses : Le théâtre enchanteur des marionnettes), au Musée d’anthropologie de l’Université de la Colombie-Britannique à Vancouver, on le trouve dans l’omniprésence de l’Indonésie, où les marionnettes sont utilisées depuis longtemps pour défier le gouvernement, l’élite et le statu quo qui contribuent à la répression des personnes sans pouvoir.

Les artistes de Body Language montrent les tatouages sur leurs bras. Photo — Gracieuseté de la galerie d’art du nord-ouest Bill Reid.

« Lorsqu’il est question de sujets autochtones, de projets autochtones et d’expositions présentant des œuvres d’Autochtones, il est important que les voix autochtones soient à l’avant-plan pour faire progresser les connaissances appropriées », affirme l’artiste tatoueur Dion Kaszas de la nation Nlaka’pamux qui, à titre de conservateur invité de Body Language, a travaillé avec la conservatrice de galerie Beth Carter. « Il est temps pour les conservateurs autochtones d’être au premier plan des expositions ayant trait au savoir ou aux pratiques artistiques autochtones. »

L’exposition était composée des œuvres de Nakkita Trimble (nation Nisga’a), de Nahaan (nation Tlingit), de Corey Bulpitt (nation Haïda), de Dean Hunt (nation Heiltsuk) et de Kaszas. À titre de conservateur invité, « Dion a mis au service de l’exposition, en tout respect, sa vaste connaissance des cérémonies, de l’histoire et des protocoles des traditions culturelles du tatouage sur la côte » [traduction d’un communiqué de la galerie].

Photo – Dion Kaszas

Dans la mise en candidature, on peut lire que le tatouage et le perçage autochtones ont joué, pendant des millénaires, un rôle central dans les cérémonies et la reconnaissance des événements spéciaux de la vie, des potlatchs et du rang social au sein des collectivités autochtones du Nord-Ouest. Après l’interdiction de ces cérémonies, les emblèmes personnels ont été transposés sur les vêtements et les bijoux.

Kaszas affirme que les tatouages étaient omniprésents au sein des peuples autochtones d’Amérique du Nord, mais qu’ils avaient diverses significations selon les nations. C’est pourquoi, selon lui, il était important que les artistes participent au processus.

« Les expositions sur le tatouage autochtone sont très homogènes et ne tiennent pas compte qu’une grande diversité de nations sont représentées dans la seule province de la Colombie-Britannique. »

Homme haïda avec un tatouage de corbeau fragmenté sur son torse, vers 1890. Photo — Collection photographique de Franz Boas (PPCB63. Fldr.1, image 29A)

Chaque artiste présent dans l’exposition est « le fer de lance de la renaissance des pratiques de tatouage de chacune de ces nations » et il était important qu’ils s’investissent davantage dans la conception de l’exposition qu’ils ne le font habituellement. « La participation des artistes a pris la forme d’un comité directeur de la conservation. »

Kaszas affirme que l’exposition était « une célébration de la résilience de nos ancêtres » et que son incidence est importante.

« Je dirais que cette exposition a contribué à mettre davantage en lumière le travail de ces artistes, à rendre la communauté plus enthousiaste à l’égard des réalisations actuelles et à comprendre que chacun des artistes accomplit ce travail de façon très positive, en mettant l’accent sur la guérison de sa communauté. »

Photo — MNBAQ.

Il y a aussi un élément de guérison dans Fugitifs!. Neuf artistes québécois ont créé 10 dessins grandeur nature qui donnaient un visage aux esclaves grâce à des descriptions publiées dans des journaux de Québec et de Montréal au XVIIIe siècle, lorsque les esclaves s’étaient échappés ou allaient être vendus. Conçue par Marie-France Grondin et Haythem Mojah, l’exposition occupait une place de choix dans la salle principale consacrée à l’art québécois et comportait des portraits de personnages historiques qui ont été propriétaires d’esclaves.

Le directeur du Musée, Jean-Luc Murray, croit que c’était la meilleure façon de le faire. Selon lui, l’effet du projet a été amplifié par cette conversation établie entre les œuvres d’art de la collection, les personnes représentées par les portraits, les artistes et tous les esclaves révélés par Webster et les artistes.

L’exposition a été conçue et organisée par Aly Ndiaye, mieux connu sous le nom de Webster, artiste hip-hop du Québec, historien et autorité en histoire des Noirs au Québec.

En 2019, Webster déclarait qu’en visitant les musées du Québec, en découvrant leurs collections, on serait porté à croire que la province n’a compté aucune population noire jusqu’à il y a 20 ans.

Il a réuni les illustrateurs Paul Bordeleau, D, Mathieu Cassendo, Djief, Em, MALICIOUZ, Caroline Soucy, Richard Vallerand, ValMo et Amel Zaazaa, qui ont donné vie aux fugitifs : André, Lowcanes, Bell, Jack, Jacob, Joe, Nemo, Cash, lsmael, Bett, Robin, Lydia et Jane.

Dans la mise en candidature, on peut lire que l’exposition reflétait le désir du Musée d’offrir un environnement inclusif et d’ouvrir les débats sur les questions d’identité et de diversité. Au-delà de l’exposition, peut-on y lire encore, cette présentation montre clairement que tout le monde a sa place au MNBAQ.

Idra Labrie dans le cadre de l’exposition Fugitifs. Photo — MNBAQ

Selon M. Murray, le personnel a eu l’occasion d’en apprendre davantage sur ce qu’un musée peut faire, d’être plus actif en ce qui a trait aux enjeux sociaux et politiques auxquels il est important de s’attaquer dans un musée. C’est un projet qui permet aux gens du musée d’apprendre. Pour lui, ce n’était pas un projet politique, mais un projet humain très fort.

M. Murray affirme que ce prix est une façon de reconnaître que le Musée a fait quelque chose de différent et a abordé de façon directe un enjeu social important. Selon lui, le prix incitera l’équipe à aller dans cette direction.

Entre-temps, Nicola Levell a dû prendre une autre direction lorsqu’une exposition a été reportée; elle a donc créé Shadows, Strings and Other Things pour la Galerie Audain du Musée d’anthropologie de l’Université de la Colombie-Britannique.

« Les marionnettes jouent un rôle très important dans la transmission des valeurs culturelles, pour raconter des histoires qui ont un contenu moral, pour raconter des leçons et des histoires de cette façon. Mais en même temps, elles sont utilisées pour le divertissement et l’amusement », explique Nicola Levell, professeure agrégée en anthropologie muséale et visuelle à l’Université de la Colombie-Britannique et conservatrice invitée pour l’exposition. « Elles puisent vraiment dans l’imagination. Elles nous permettent de rêver. »

La commissaire Nicola Levell devant le mur phare de l’exposition Shadows, Strings & Other Things, Musée d’anthropologie de l’Université de la Colombie-Britannique, Vancouver, 2019. Photo — Sarah Race.

Plus de 230 marionnettes étaient présentées, la plupart choisies par Levell dans la collection du Musée. Elle raconte qu’il y avait des lacunes à combler. Elle a fait venir de Chine des marionnettes à ombres chinoises faites de cuir et à la tête amovible. Dix autres sont arrivées de Turquie, un cadeau de l’ambassadeur de Turquie au Canada. Elle a également fait l’acquisition de sept marionnettes à ombres chinoises en provenance d’Indonésie, bien que la plus grande partie de la collection était déjà constituée de marionnettes indonésiennes.

« C’est une tradition extrêmement vivante en Indonésie, explique-t-elle, on les utilise à des fins d’opposition et de critique politiques. Elles ont été parrainées par les cours, les sultans depuis la nuit des temps. Il y a toute une tradition de parrainage de marionnettes par des organismes politiques, des partis politiques et des cours royales. »

« L’un des défis d’un conservateur, lorsqu’il est question de marionnettes, est de trouver une façon de leur donner vie sans les manipuler, afin qu’elles ne donnent pas l’impression d’être des poupées suspendues, sans vie. »

Le premier défi était de leur « donner vie », avec une mise en scène et un éclairage élaborés pour animer les marionnettes. Il a fallu une équipe d'experts créatifs, dont Skooker Broome, qui a conçu l'installation et l'éclairage, Cody Rocko qui a dirigé le travail de conception en 2D, Stuart Ward qui a entrepris le travail de projection vidéo, et la fabricante du musée, Kate Melkert, pour animer les marionnettes et leur faire partager leurs histoires importantes.

Photo — Nicola Levell

Il en a résulté une exposition très théâtrale, tant dans le lieu physique que dans la version en ligne, qui est également mentionnée dans la mise en candidature. L’exposition en ligne comprend des photographies 3D et des éléments de réalité virtuelle, des détails sur les fabricants de marionnettes et les marionnettistes, des ressources éducatives et plus encore.

« Je souhaitais laisser un héritage, un héritage concentré dans le site Web, lequel rassemble une grande partie de l’exposition », explique Nicola Levell, qui voulait que le complément en ligne reflète l’exposition, la forme qu’elle prenait, ce qu’on y ressentait et comment on y circulait.

Marionnettes de la famille Lu (3338/8-12). Photo — Alina Ilyasova, gracieuseté du Musée d’anthropologie de l’Université de la Colombie-Britannique.

En plus du site Web, un ouvrage incluant l’art des marionnettes en Afrique sera publié.

« Ce n’est pas seulement un héritage, c’est un catalyseur, ajoute-t-elle, un catalyseur pour sensibiliser le public et susciter un intérêt envers l’art des marionnettes ».

Informations complémentaires :

Shadows, Strings and Other Things est disponible sous forme d'exposition virtuelle : https://www.shadowstringthings.com/. Voir la bande-annonce : https://youtu.be/r8NqhNz2WU4.