Lignes directrices sur l'aliénation de l'Association des musées canadiens

A. Précisions terminologiques

B. Introduction

C. Aspects éthiques et juridiques de l’aliénation

D. Le pourquoi et le comment d’une aliénation

E. Qui doit participer au processus de consultation?

F. Déterminer le mode d’acquisition de l’objet

G. Déterminer le mode d’aliénation

H. Mode de gestion de la procédure

I. Conséquences d’une décision d’aliénation contraire à l’éthique

Aide-mémoire pour l'aliénation d'objets

Organigramme

 

A. Précisions terminologiques

Le terme « aliénation » désigne la procédure officielle d’élimination d’un objet de la collection d’une institution.

Le terme « élimination » désigne le retrait physique de l’objet en question selon la procédure déterminée par l’instance dirigeante de l’institution.

 

B. Introduction

L’aliénation n’est pas mauvaise en soi! Elle constitue un outil nécessaire et adéquat dans la gestion de la collection de tout musée ou de toute galerie. L’élimination d’un objet pour des raisons liées à la conservation fait partie intégrante de la gestion des collections et elle permet aux institutions de peaufiner leur collection. Il arrive fréquemment qu’un objet ne corresponde pas à la portée de la collection d’une institution, qu’il ne puisse recevoir des soins adéquats ou qu’il pose un risque pour le personnel. On peut alors envisager de l’aliéner. L’aliénation d’un objet n’est pas sans risque. Toutefois, si la procédure est bien gérée, elle peut entraîner des avantages considérables.

Les lignes directrices sur l’aliénation publiées par l’AMC fournissent de l’information générale et des conseils sur l’élimination d’un objet de la collection d’une institution pour des raisons liées à la conservation. Elles ne traitent pas des divers types de collections ni des problèmes éventuels qui peuvent se rapporter à des collections particulières. Elles ne traitent pas non plus de l’élimination d’objets dans le cadre d’une restitution ou d’un rapatriement.

Ces lignes directrices ont pour but d’inciter les institutions à tenir compte de divers facteurs lorsqu’elles prennent les décisions relatives à l’aliénation d’un objet. Elles visent à donner l’assurance que votre institution, votre collection et votre collectivité en tireront des avantages.

Les lignes directrices de l’AMC doivent être utilisées de concert avec la politique de gestion de la collection de votre institution. Elles ne remplacent pas un avis juridique. La protection de la collection d’une institution relève de son instance dirigeante. Cette instance doit déterminer si les décisions relatives à l’aliénation d’un objet sont conformes aux normes d’expertise et tenir compte de leurs répercussions juridiques potentielles pour toutes les parties prenantes. La décision finale d’aliéner un objet doit être approuvée par l’instance dirigeante et entièrement documentée.

Quel que soit le plan d’action choisi par une institution, la décision doit être énoncée clairement et documentée de façon adéquate.

 

C. Aspects éthiques et juridiques de l’aliénation

Les lignes directrices de l’AMC contribuent pleinement à l’élimination responsable d’un objet de la collection d’une institution dans la mesure où les exigences éthiques et juridiques sont respectées.

C1. Mesures essentielles sur le plan éthique

  • Examiner ou comprendre les buts de votre institution et son mandat actuel ou révisé par rapport à l’aliénation d’un objet;
  • Connaître et comprendre la politique de gestion de la collection de votre institution ou en élaborer une;
  • Gérer la procédure efficacement en expliquant les raisons qui motivent l’aliénation;
  • Démontrer les avantages pour la collection de l’institution et pour ses parties prenantes.

C2. Mesures essentielles sur le plan juridique

  • Examiner la documentation de tout objet que vous envisagez d’aliéner afin de déterminer si des restrictions juridiques (découlant, par exemple, d’une loi particulière, du statut d’organisme de bienfaisance de l’institution, des conditions rattachées au don ou au legs d’un objet en particulier) empêchent l’institution de l’éliminer;
  • Évaluer le risque associé à la décision d’aliéner un objet qui ne fait pas partie de la collection et dont la provenance n’est pas clairement établie;
  • Consulter un conseiller juridique indépendant en cas de doute concernant la légalité de l’aliénation.

 

D. Le pourquoi et le comment d’une aliénation

D1. Principaux résultats de l’aliénation d’un objet

  • Meilleurs soins de l’objet;
  • Meilleur accès à l’objet;
  • Maintien de l’objet dans la collectivité;
  • Retrait d’un objet potentiellement dangereux.

D2. Questions à se poser

  • Pour quelle raison l’objet a-t-il été acquis à l’origine?
  • L’objet est-il utilisé ou exposé actuellement?
  • L’objet est-il superflu?
  • L’objet conviendrait-il mieux à la collection d’une autre institution?

D3. Pourquoi aliéner un objet?

Votre institution peut avoir plusieurs raisons valables d’aliéner un objet, entre autres :

i. Pertinence — L’institution a peaufiné ou modifié l’orientation de sa collection et l’objet n’est plus pertinent par rapport à son mandat et à ses buts.
ii. Double emploi — L’objet est identique à un autre. Est-il logique d’avoir un ou plusieurs objets identiques dans la collection?
iii. Sous-utilisation — Certains objets n’ont jamais été présentés au public. S’il y a peu ou pas de chances que l’objet soit exposé, l’aliénation peut s’avérer une décision judicieuse.
iv. Détérioration — L’objet a été endommagé au fil du temps ou bien il se détériore lentement. Le coût lié à sa conservation surpasse la valeur de l’objet dans le cadre de la collection.
v. Danger — Il arrive parfois qu’une institution possède un objet posant un problème de santé et de sécurité pour ses employés ou ses visiteurs.
vi. Entreposage — Il est possible que l’institution soit simplement incapable d’entreposer adéquatement l’objet.
vii. Provenance — Le propriétaire initial ou un membre de sa famille a produit un titre juridique indiquant que l’institution n’est pas légalement propriétaire de l’objet.

 

E. Qui doit participer au processus de consultation?

La décision finale d’aliéner ou non un objet relève de l’instance dirigeante de l’institution, mais les parties prenantes mentionnées ci-après devraient être consultées dans le processus décisionnel :

i. Personnel de l’institution — Il faudrait consulter non seulement le personnel chargé de la conservation et des expositions, mais aussi les personnes qui travaillent dans de nombreuses disciplines au sein de l’institution : marketing, interprétation, éducation et services aux visiteurs.
ii. Donateur — Dans tous les cas, les institutions doivent tenir compte des modalités initiales s’appliquant au don. Dans la mesure du possible consulter le donateur dès le début du processus décisionnel et le tenir informé par la suite. Dans certains cas, il est possible de restituer un objet au donateur initial.
iii. Bailleur de fonds externe — Lorsque l’objet à aliéner a été acquis ou conservé grâce à des fonds externes, le bailleur de fonds devrait être consulté.
v. Parties prenantes — Les institutions devraient consulter les autres personnes qui ont un intérêt dans la collection en question. Ces parties prenantes peuvent être des visiteurs, des chercheurs et, dans le cas d’une œuvre d’art contemporain, des artistes vivants. Il faudrait envisager de mettre sur pied un groupe composé de parties prenantes chargé de veiller au respect des objectifs d’ouverture et de transparence de la procédure d’aliénation.

 

F. Déterminer le mode d’acquisition de l’objet

Avant de prendre la décision d’aliéner un objet, il faut examiner de près son statut actuel et son mode d’acquisition.

Voici quelques modes classiques d’acquisition d’objets :

i. Achat — Si l’objet a été acheté grâce au soutien d’un organisme subventionnaire, communiquer avec l’organisme visé pour déterminer le plan d’action approprié.
ii. Don ou legs — Déterminer les modalités qui ont été établies au moment du don ou du legs de l’objet et les effets néfastes que pourrait avoir son aliénation, par exemple les conséquences fiscales pour le donateur ou l’institution, en faisant les vérifications voulues auprès de l’organisme gouvernemental approprié.
iii. Prêt — Si l’objet a été prêté à l’institution, communiquer avec le prêteur pour discuter de sa restitution.

 

G. Déterminer le mode d’aliénation

Quelle que soit le mode privilégié par votre institution pour aliéner un objet, il est important d’envisager les possibilités suivantes pour sa cession :

i. Cession à une institutions agréée — Dresser la liste des musées agréés susceptibles d’être intéressés à acquérir l’objet si celui-ci cadrait avec leur collection. Dans la mesure du possible, il faudrait privilégier ce mode d’aliénation.
ii. Cession à une tierce partie — Dresser la liste des autres parties que l’objet est susceptible d’intéresser et les aborder directement. Ce mode d’aliénation ne devrait être envisagé que si aucune autre institution n’est en mesure d’acquérir l’objet.
iii. Restitution au donateur — S’il est impossible de maintenir un objet dans le domaine public et qu’aucune autre institution n’est en mesure de l’acquérir, envisager de le restituer à son donateur. Ce mode d’aliénation peut avoir des répercussions importantes. Il convient donc de se poser les questions suivantes :
    • L’institution a-t-elle la capacité juridique de restituer l’objet?
    • Le donateur peut-il être retracé?
    • L’institution s’expose-t-elle à un différend avec le donateur ou des membres de sa famille?
    • Quelle sera la réaction du public?

 

H. Mode de gestion de la procédure

L’institution qui entreprend la procédure d’aliénation d’un objet devra y consacrer des ressources et des efforts considérables. Une planification attentive et une gestion rigoureuse contribuent à assurer la réussite de la procédure. Avant de commencer, il est important d’envisager les mesures suivantes :

  • Établir un échéancier pour faciliter la gestion de la procédure.
  • Établir un budget pour s’assurer d’avoir les ressources voulues, y compris le personnel, pour prendre en charge les coûts de base associés à l’aliénation.
  • Élaborer une stratégie de communications internes et externes.
  • Établir une structure pour les examens, la production des rapports et l’approbation des diverses tâches.

 

I. Conséquences d’une décision d’aliénation contraire à l’éthique

Les décisions d’aliénation d’un objet de votre collection peuvent avoir des conséquences importantes et souvent fâcheuses pour votre institution si elles sont contraires à l’éthique, par exemple :

  • la perte ou une diminution de la confiance de votre collectivité;
  • une publicité défavorable ou négative qui nuira à la capacité de l’institution d’obtenir du financement;
  • des incidences négatives sur les relations de travail avec d’autres institutions qui pourraient refuser de collaborer avec la vôtre ou de lui prêter des objets.

Aide-mémoire pour l'aliénation d'objets

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Premières étapes Aide-mémoire pour l'aliénation d'objets

  • Envisager d’entreprendre un examen complet de la collection
  • Élaborer un plan de travail et allouer les ressources humaines à la gestion de la procédure
  • Créer un cadre afin d’aider votre institution à évaluer les objets de sa collection et à déterminer s’il convient de les aliéner
  • Obtenir l’accord de l’instance dirigeante de votre institution concernant l’aliénation potentielle de l’objet

 

Prise de la décision cruciale en matière d’aliénation

  • Prendre les décisions en matière d’aliénation en s’appuyant sur une politique ou une stratégie globale de gestion des collections de l’institution
  • Préciser le résultat souhaité
  • Déterminer les raisons motivant l’aliénation d’un objet qui sont liées à la conservation
  • Solliciter les conseils d’un spécialiste indépendant, s’il y a lieu
  • Tenir compte du point de vue de toutes les parties prenantes
  • Élaborer une stratégie de communication
  • S’assurer que le musée a la capacité juridique d’aliéner l’objet
  • Recommander un mode d’aliénation

 

Considérations importantes

  • Quel est le résultat final souhaité?
  • Comment le mode d’aliénation contribuera-t-il à l’atteinte du résultat souhaité?
  • Quels sont les avantages du plan d’action choisi?
  • Le plan d’action choisi est-il susceptible de favoriser une plus grande utilisation de l’objet? (Il pourrait ne donner aucun résultat à cet égard si l’objet est recyclé ou détruit.)
  • Le destinataire proposé est-il apte à offrir des soins appropriés et des occasions d’accès?
  • Quelle pourrait être la réaction du public?
  • Quels sont les risques?

 

Une fois la décision prise

  • Dresser la liste des institutions susceptibles d’être intéressées par l’objet et communiquer directement avec elles
  • Faire savoir que l’objet est disponible par l’entremise de l’AMC, de publications spécialisées et de sites Web
  • Informer le donateur, s’il y a lieu
  • Si un nouveau lieu de conservation est trouvé pour l’objet, s’entendre sur les modalités du transfert (ou de la vente)
  • Assurer la transparence totale et informer le public de l’aliénation de l’objet
  • Transférer au destinataire le titre juridique
  • Documenter la procédure

 

Mesures à prendre si la tentative d’aliénation ne se concrétise pas

  • Réexaminer la décision de l’institution concernant l’aliénation et l’objet
  • Envisager avec l’institution d’autres utilisations possibles de l’objet
  • Vérifier s’il est possible d’obtenir le résultat souhaité par un autre mode d’élimination

Organigramme

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Politique de gestion de la collection Organigramme, l'aliénation d'objets

  • Politique approuvée qui indique la portée et la capacité juridique d’aliéner un objet

 

Déterminer le résultat du projet

  • Établir un cadre d’évaluation détaillé

 

Sélectionner le ou les objets susceptibles d’être aliénés

 

Déterminer si l’institution a la capacité juridique d’aliéner l’objet

      • Sélectionner le ou les objets susceptibles d’être aliénés
      • Déterminer si l’institution a la capacité juridique d’aliéner l’objet

_ Dans l’affirmative

      • S’assurer que les considérations éthiques ont été respectées
      • Sélectionner les modes d’aliénation qui conviennent le mieux à l’atteinte des objectifs
      • Préparer une stratégie de communication
      • Trouver des façons de promouvoir ou de consigner l’aliénation
      • Si la procédure a réussi
        • Points importants:
          • S’entendre sur les modalités avec le destinataire
          • Documenter les progrès accomplis
          • Transférer le titre juridique
          • Communiquer avec vos parties prenantes
      • Si la procédure a échoué
        • Points importants
          • Réexaminer la décision d’aliéner l’objet
          • Se demander s’il est possible d’obtenir le résultat souhaité par un autre mode d’élimination

 

_ Dans la négative :

      • Examiner d’autres options
        • Si l’objet a été prêté à l’institution, envisager de le remettre à son propriétaire d’origine
        • Si la provenance de l’objet n’est pas clairement établie, approfondir les recherches pour clarifier cet aspect
        • S’il y a lieu, communiquer avec le bailleur de fonds ou le donateur et déterminer s’il existe d’autres possibilités

 

Quand l’aliénation d’un objet est-elle inacceptable?

      • Lorsqu’elle est motivée principalement par des raisons financières
      • Lorsqu’elle est contrevient à la politique de gestion de la collection
      • Lorsqu’elle est entreprise de façon ponctuelle avec peu d’égards, voire aucun aux avis d’experts
      • Lorsqu’elle n’est pas dans l’intérêt des parties prenantes

 

Remerciements

Nous tenons à remercier particulièrement tous les présentateurs et les participants du Symposium sur l’aliénation de 2014 ainsi que les membres suivants du comité :

      • Danièle Archambault, Musée des beaux-arts de Montréal
      • Glenn Bloom, Osler, Hoskin et Harcourt SENCRL/srl
      • Victoria Henry, Banque d’art du Conseil des arts du Canada (à la retraite)
      • Robert Laidler, Fondation des musées du Canada
      • Sue Lamothe, Association des musées canadiens
      • Moira McCaffrey, Organisation des directeurs des musées d’art canadiens (ODMAC)
      • Nancy Noble, Musée de Vancouver
      • Myriam Proulx, Musée canadien de l’histoire
      • Sue-Ann Ramsden, Association des musées canadiens

Publié à l'origine en 2015. Révisé, mis à jour et formaté pour HTML octobre 2020.