Offrir des possibilités : Jeunesse Canada au travail est une excellente base pour une carrière dans le domaine du patrimoine


Kristina Adler, Dominique Boulet & Genevieve Wong

À la fin des études postsecondaires, il n’est pas toujours facile pour un nouveau diplômé d’obtenir un premier emploi dans son domaine. Le programme Jeunesse Canada au travail (JCT) peut toutefois faire une grande différence pour les futurs collègues du musée. Dans le cadre de la Stratégie emploi et compétences jeunesse du gouvernement du Canada, l’Association des musées canadiens (AMC) collabore avec Patrimoine canadien en réalisant le programme JCT, qui offre des emplois d’été et des stages d’études supérieures dans des musées et des organisations affiliées. Ce programme aide à fournir divers postes pour les jeunes qui entreprennent leur carrière dans le secteur du patrimoine. Une partie de l’objectif du programme JCT est de donner aux jeunes l’occasion de perfectionner les compétences qu’ils acquièrent à l’école, pendant leurs études ou après l’obtention de leur diplôme, afin de les préparer à un emploi permanent dans le secteur du patrimoine.

Le programme JCT comprend deux volets : Jeunesse Canada au travail dans les établissements du patrimoine (JCT-ÉP), qui finance les emplois d’été pour étudiants, et Jeunesse Canada au travail pour une carrière vouée au patrimoine (JCT-CVP), qui finance les postes de stagiaires pour les nouveaux diplômés. Les deux volets aident les jeunes Canadiens à trouver un emploi dans leur domaine et à acquérir une expérience pertinente dans le but de faciliter la transition vers le marché du travail et, éventuellement, un emploi permanent.

L’AMC a communiqué avec quelques anciens participants, qui réussissent maintenant dans le secteur, pour nous faire part de leurs réflexions sur le programme.

Alexandra Badzak, directrice et chef de la direction de la Galerie d’art d’Ottawa (GAO), a décrit son expérience avec le programme JCT-ÉP comme extrêmement instructive, car cet apprentissage lui a permis de mettre en pratique la théorie universitaire. Mme Badzak a terminé sa maîtrise en formation pour adultes en mettant l’accent sur l’apprentissage informel dans les musées. Durant ses études, elle a occupé un emploi d’été au département des programmes publics de la Mendel Art Gallery, aujourd’hui le Remai Modern à Saskatoon (Saskatchewan). À l’époque, la galerie s’intéressait à la façon dont les adultes interagissaient avec le contenu, se rendant compte que les étiquettes sur les œuvres d’art étaient peut-être insuffisantes. Le poste de Mme Badzak dans le cadre du programme JCT est né de cet effort d’amélioration de l’engagement des visiteurs adultes. Elle en a fait le thème de sa thèse de maîtrise, dans laquelle elle s’est intéressée aux espaces « intermédiaires » des galeries et « la façon dont ces espaces pourraient être utilisés comme un lieu sûr, un espace de détente pour renforcer la relation avec les œuvres d’art ».

Selon elle, son expérience avec JCT-ÉP lui a donné l’occasion d’acquérir une véritable expérience professionnelle qui ne peut être acquise dans un milieu universitaire. Par exemple, elle a appris comment travailler avec des collègues et comment les fonctions de l’établissement sont pleines de subtilités, une expérience essentielle à la transition vers le marché du travail. Même aujourd’hui, Mme Badzak estime que les compétences relationnelles qu’elle a acquises pendant son stage avec JCT-ÉP sont utiles à son poste actuel, où la perception et la persuasion sont des éléments importants de son travail.

Alex Jacobs-Blum, aujourd’hui coordonnatrice des relations communautaires autochtones aux Musées de Guelph, a suivi un parcours similaire. Intéressée par la photographie comme un moyen d’explorer son identité autochtone, elle a poursuivi ses études en arts contemporains et en photographie. Après ses études, elle a participé au programme JCT-CVP en effectuant un stage à titre d’adjointe de conservation autochtone pour les Musées de Guelph, où elle a pu mettre ses études en pratique en créant des vitrines pour les expositions de groupe Indianized et Konnon:kwe.

Son travail lui a donné de l’assurance en tant que professionnelle du musée et lui a enseigné les liens étroits entre les musées et le processus de décolonisation. Tout en acquérant une expérience pertinente, elle a établi des liens qui ont aidé le musée à rebâtir des relations avec les membres autochtones de la collectivité. Après son stage, Mme Jacobs-Blum a pu faire la transition vers son poste permanent actuel avec les Musées de Guelph, où elle continue de renforcer la confiance entre le musée et la communauté autochtone en remettant en question le langage, en introduisant des concepts de décolonisation et en décentrant le musée.

Pour de nombreux nouveaux professionnels des musées, la capacité d’avoir de l’autonomie et des responsabilités dans leur travail est inestimable, et bon nombre des participants à qui nous avons parlé ont attribué leur succès dans leurs rôles actuels en partie à l’indépendance qui leur a été accordée dans leurs projets et aux possibilités de perfectionnement professionnel dont ils ont bénéficié avec JCT.

Carla-Jean Stokes, maintenant conservatrice à l’historique O’Keefe Ranch à Vernon, en Colombie-Britannique, a parlé des avantages qu’elle a tirés qui lui ont permis de perfectionner ses compétences professionnelles lors de son stage JCT au Musée des beaux-arts de l’Ontario (AGO). Pendant son stage, elle a travaillé comme adjointe à l’information sur les collections et a été exposée à une vaste collection à la galerie et à un large réseau de professionnels des musées. En plus de développer ses compétences, Stokes a pu assister à divers événements de la galerie, se familiarisant ainsi avec la communauté du musée. Mme Stokes a également bénéficié du soutien de son employeur, qui l’a mise en contact avec des professionnels qu’elle souhaitait ajouter à son réseau. Dans le cas de Mme Stokes, la capacité d’effectuer son stage dans une grande galerie comme l’AGO lui a permis d’acquérir les compétences, les connaissances, mais aussi le rayonnement professionnel qu’elle recherchait pour obtenir un emploi à temps plein à la fin de ses études supérieures.

L’un des défis que l’AMC retrouve chez les employeurs potentiels de JCT dans les régions rurales consiste à pourvoir leurs postes. De nombreux candidats potentiels suivent leurs études dans les grandes villes, laissant les organisations rurales aux prises d’un plus petit bassin de candidats qualifiés à proximité. La logistique de la réinstallation dans une région rurale pour occuper un emploi peut parfois constituer un obstacle pour les stagiaires et les employeurs. Les frais de déplacement et d’hébergement à court terme sont souvent des éléments qui dissuadent un stagiaire à occuper un poste temporaire.

Chloé Ouellet Riendeau a participé au programme JCT-CVP au Musée d’histoire de Sherbrooke et travaille maintenant comme agente de bureau à la Bibliothèque et aux Archives nationales du Québec à Sherbrooke. Interrogée sur son expérience et si elle aurait envisagé un poste dans une région rurale, Mme Riendeau déclare : « Je n’aurais probablement pas accepté de poste dans une région rurale puisque je n’ai pas de voiture. De plus, je n’aurais pas déménagé pour un contrat de seulement 6 mois. »

Bien que cela puisse poser des défis, certains employeurs ont proposé des solutions et des stratégies intéressantes pour pourvoir des postes JCT dans leurs régions rurales. Sara Legault est médiatrice culturelle, responsable des actions culturelles et du développement des publics, au Musée Laurier à Victoriaville. Mme Legault a participé au programme JCT dans les volets ÉP et CVP et elle est aujourd’hui responsable des postes de JCT-ÉP au Musée Laurier. Pour le processus de recrutement des postes d’été, le musée a établi des relations directes avec le cégep local et fait activement la promotion des postes auprès des étudiants qualifiés directement par l’entremise de l’école.

Selon l’emplacement d’une organisation, il n’est pas toujours possible de compter sur la disponibilité de candidats locaux. Un autre employeur, Laura Phillips, coordonnatrice des collections et expositions à l’Institut culturel cri Aanischaaukamikw, à Ouje Bougoumou, Eeyou Istchee, explique que l’approche accueillante d’Aanischaaukamikw peut souvent faciliter la transition et la rendre moins coûteuse pour les stagiaires potentiels :

« Nous recevons peut-être moins de candidats que dans les centres urbains, mais les candidats sont habituellement d’un excellent calibre… Nous encourageons le stagiaire à poser des questions sur l’emplacement et la journée de travail. Nous offrons à nos stagiaires un logement meublé, ce qui facilite l›installation à court terme à Ouje-Bougoumou. Le village a une communauté soudée et nous nous efforçons de répondre aux besoins des stagiaires au fur et à mesure qu’ils se présentent. Par exemple, si un stagiaire n’amène pas sa voiture, nous nous assurons qu’il peut faire du covoiturage au besoin, par exemple pour faire l’épicerie ou pour se rendre à l’aéroport. »

Il est important de noter qu’une partie du financement de JCT permet le remboursement de certains frais de déplacement. Toutefois, les plafonds de contribution de JCT comprennent les remboursements des frais de réinstallation, ce qui signifie que lorsqu’un stagiaire n’a pas à se réinstaller, davantage de fonds JCT peuvent être alloués directement aux coûts d’exploitation d’un poste. Les organisations des régions urbaines peuvent donc parfois assurer des stages plus longs que leurs homologues des régions rurales.

Les petites organisations patrimoniales et celles des régions rurales sont d’une grande importance pour le paysage culturel canadien et elles peuvent offrir des possibilités d’avancement professionnel et, éventuellement, des emplois permanents à de nombreux jeunes professionnels.

En plus des approches créatives illustrées par les employeurs ruraux dans cette histoire, l’équipe JCT de l’AMC examine également des façons de renforcer davantage l’exécution du programme et d’accroître la reprise du programme dans les régions rurales, par exemple en ciblant la promotion du programme là où on remarque moins de participation.

Pour les personnes à qui nous avons parlé, il est clair que le programme JCT leur a donné une opportunité qui a marqué leur avenir. De nombreux étudiants ou stagiaires qui ont jadis bénéficié du programme JCT supervisent aujourd’hui de jeunes étudiants de JCT dans leurs organisations, offrant des possibilités d’emploi qui mettent à profit l’éducation d’un étudiant, créent un climat de confiance qui favorise l’indépendance et aident un étudiant ou un nouveau diplômé à développer un réseau de soutien solide dans notre secteur. C’est une excellente chose pour les employeurs qui profitent des compétences de participants qualifiés, pour les étudiants qui continuent leur parcours et c’est un bon investissement dans l’avenir du secteur des musées.