Un message du directeur général

Massimo Bergamini

L’Ukraine a besoin de notre aide. Sommes-nous à la hauteur?

Nous qui travaillons dans le milieu des musées du Canada, nous nous efforçons tous les jours d’aider à rehausser la valeur des musées pour la société, notamment en ce qui concerne la préservation, l’expansion et l’interprétation du patrimoine culturel de la société. Bien sûr, certains jours sont plus difficiles que d’autres, comme dans toutes les professions, mais comme nous avons à cœur nos établissements et leur travail essentiel, la plupart des jours sont profondément gratifiants.

Massimo Bergamini. Photo — Jean-Marc Carisse

Cependant, je soupçonne que jamais, même dans nos moments les plus difficiles, au milieu de nos frustrations quotidiennes, aucun d’entre nous n’a vécu quoi que ce soit comme le cauchemar qui engloutit l’Ukraine et nos collègues là-bas. Au milieu de l’agitation et de la terreur d’une guerre non provoquée et injustifiée, nos collègues tentent de sauver le patrimoine culturel et l’identité nationale de leur pays tout en essayant de se protéger et de protéger leurs proches.

Nous pouvons tous admirer ceux qui adhèrent à nos principes communs tout en faisant face au pilonnage des raids aériens, aux attaques de missiles et aux chars. Ils le font au moment où j’écris ces lignes, et peut-être le feront-ils encore quand vous lirez ces lignes.

Mais il ne suffit pas d’applaudir les efforts de nos collègues ukrainiens, aussi extraordinaires soient-ils, ils ont besoin de notre aide.

Commentant la situation en Ukraine, Lazare Eloundou, directeur du patrimoine mondial de l’UNESCO, a déclaré : « Les centres-villes sont gravement endommagés et certains d’entre eux abritent des sites et des monuments qui remontent au XIe siècle. Aujourd’hui, des musées sont endommagés, certains avec des collections à l’intérieur. C’est toute une vie culturelle qui risque de disparaître. »

La Russie a montré qu’elle n’hésitera pas à attaquer des civils, y compris des hôpitaux et des écoles. Pourquoi s’arrêter aux trésors culturels, en particulier ceux qui sont considérés comme des emblèmes de la nation ukrainienne? En fait, la destruction de ces trésors est un effort délibéré pour soutenir l’affirmation de Poutine selon laquelle l’Ukraine n’est pas un « vrai » pays et ne peut donc prétendre au statut de nation.

La situation ne fera qu’empirer si la guerre continue. Et si les combats cessent, combien de temps faudra-t-il avant que les œuvres, les collections et les sites vulnérables puissent être restaurés dans les conditions nécessaires à leur préservation?

Si nous voulons que le nettoyage culturel cesse, nous devrions — en fait, nous devons — soutenir ceux qui contribuent à préserver l’histoire, l’art et la culture de l’Ukraine face aux tentatives de la Russie de les éradiquer, eux et leur nation.

L’Ukraine abrite sept sites du patrimoine mondial de l’UNESCO, dont la cathédrale Sainte-Sophie et des bâtiments monastiques à Kiev. D’autres sites figurant sur la liste des Nations Unies se trouvent dans la ville occidentale de Lviv, dans le port d’Odessa sur la mer Noire et dans la deuxième ville en importance, Kharkiv. Ces quatre villes ont été bombardées par les forces russes.

La directrice générale de l’UNESCO, Audrey Azoulay, a déclaré dans un communiqué que l’organisme assurait la coordination avec les autorités ukrainiennes pour apposer sur les principaux monuments et sites historiques à l’échelle de l’Ukraine un signe internationalement reconnu pour la protection du patrimoine culturel. L’UNESCO prévoit rencontrer les directeurs des musées ukrainiens pour les aider à sauvegarder les collections des musées et les biens culturels.

Au moment d’écrire ces lignes, j’ai invité quelque 70 dirigeants de notre communauté à se réunir pour déterminer les mesures concrètes que nous pouvons adopter pour soutenir nos collègues ukrainiens. Je vais également communiquer avec nos collègues d’ICOM Canada et d’ICOMOS Canada pour les amener sous la bannière de l’AMC.

Notre objectif sera de proposer des moyens de soutenir la communauté muséale et culturelle ukrainienne et de faire avancer la cause de la paix. Trois voies viennent à l’esprit : l’aide humanitaire et technique, ainsi que financière, le soutien et la promotion de la culture, et, si nécessaire, les sanctions.

Nous ne pouvons pas détourner le regard. Nous devons agir, et agir efficacement. L’Ukraine a besoin de notre aide, de notre expertise, de nos compétences et de notre compassion.

Cette crise est un test de la capacité de notre secteur à se mobiliser et à devenir un catalyseur pour la justice sociale, le développement humain et la paix. Elle met à l’épreuve le leadership de l’AMC et son rôle de rassembleur, notre engagement commun envers la valeur de la culture partout dans le monde et, enfin, notre humanité commune face à la brutalité des atrocités.

Je suis convaincu que nous sommes à la hauteur de la tâche.

 

Les parallèles avec 1972 montrent la voie à suivre pour la défense de la politique nationale des musées de l’AMC

Lorsque nous réfléchissons à ce à quoi pourrait ressembler une nouvelle politique nationale des musées, il est instructif de considérer les facteurs qui ont contribué à la création de la Politique nationale des musées de 1972.

Ce faisant, il est tout aussi important de s’efforcer de parvenir à une compréhension commune de la place et du rôle de notre secteur dans la société — aujourd’hui et à l’avenir —, car c’est le rôle qu’une nouvelle politique des musées devrait soutenir et promouvoir.

Annoncée il y a 50 ans dans la foulée du rapport de la Commission royale sur le bilinguisme et le biculturalisme du secrétaire d’État Gérard Pelletier, la Politique nationale des musées était une des nombreuses initiatives culturelles du gouvernement Trudeau en réponse aux tensions culturelles et politiques de l’époque.

Entre autres choses, la politique visait à encourager un changement dans la programmation des musées, de la préservation à l’engagement du public. Sous la rubrique « démocratisation », l’objectif du gouvernement était de tirer parti des musées et de leurs collections pour unir les Canadiens et aider à guérir les tensions et les fractures qui, à l’époque, caractérisaient la société canadienne.

La tension et les traumatismes des deux dernières années ont mis à nu des fissures dans notre société qui sont plus profondes et plus complexes que celles qui prévalaient au Canada il y a 50 ans, mettant en évidence des inégalités et des griefs historiques, et exacerbant les divisions au sein de notre société civile.

Les musées sont des espaces sûrs pour la réflexion sur la civilité et la société civile, sur la responsabilité personnelle et sociale, et sur la diversité et l’inclusion véritable. Ce sont des espaces sûrs pour le dialogue et la guérison à une époque où une cacophonie de perspectives apparemment inconciliables sur le monde domine notre vie quotidienne.

En tant qu’établissements publics parmi les plus dignes de confiance et les plus respectés du pays, les musées peuvent fournir aux Canadiens une base solide à partir de laquelle ils peuvent s’arrêter et réfléchir à la manière de sortir de l’incertitude actuelle.

Or, voici le problème : la politique des musées du Canada est un artefact d’une époque révolue. Elle ne reflète tout simplement pas le Canada moderne ou notre secteur d’aujourd’hui : ce à quoi ils ressemblent, les contraintes et les tensions auxquelles ils sont confrontés ou leur potentiel pour le futur.

En d’autres mots, la politique nationale des musées du Canada a été conçue pour un Canada et un secteur des musées et du patrimoine qui n’existent plus.

Les parallèles politiques et culturels avec 1972 sont légion, et ils suggèrent que, tout comme il y a 50 ans les musées étaient considérés par le gouvernement fédéral comme ayant un rôle à jouer dans l’unification de notre pays, aujourd’hui les musées peuvent jouer un rôle similaire dans la guérison et le rapprochement des Canadiens.

Des conversations avec des responsables de Patrimoine canadien nous indiquent qu’ils partagent cette perspective et qu’eux-mêmes et le ministre Pablo Rodriguez sont engagés à renouveler la politique des musées du Canada.

C’est une excellente nouvelle. Cette politique fixera les conditions des relations et du type de partenariats qui pourraient être possibles avec le gouvernement du Canada pour au moins une génération — ce qui signifie qu’ensemble, nous devons faire les choses correctement.

À partir d’avril, nous entamerons des consultations et des séances d’écoute pancanadiennes avec les membres de l’AMC ainsi qu’avec des représentants de la communauté patrimoniale au sens large, dans le but de présenter une proposition consensuelle au ministre du Patrimoine canadien à l’automne.

Ces consultations comprendront des rencontres en personne, des tables rondes virtuelles ainsi qu’un questionnaire en ligne. En plus d’éclairer le mémoire officiel de l’AMC au gouvernement du Canada, chaque volet alimentera un rapport de « ce que nous avons entendu » qui appuiera le mémoire. Le public pourra accéder à ce rapport.

Surveillez les mises à jour et les renseignements sur la façon dont vous pouvez contribuer aux nouvelles de l’AMC. M

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